Le président kényan William Ruto a refusé de signer le projet de loi de finances 2024, ce mercredi 26 juin. Depuis sa publication le 9 mai, il a provoqué des manifestations, initialement pacifiques, qui ont dégénéré en violences. Plusieurs décès et blessés ont été enregistré.
Quelles sont les origines de ces manifestations meurtrières ?
Le 9 mai 2024, le Parlement kényan a proposé le projet de loi de finances 2024, comme à l’accoutumée chaque année. Ces projets annuels ont pour objectif de rembourser la dette publique astronomique du Kenya, estimée à environ 10 000 milliards de shillings (soit environ 77,5 milliards d’euros), ce qui représente plus de 70 % du PIB, un montant très élevé pour un pays pauvre. Avant que ce projet ne retienne l’attention du grand public, il inquiétait déjà fortement la jeunesse kényane en raison de l’augmentation des impôts prévue. Celle-ci a d’abord appelé à des manifestations pacifiques sur les réseaux sociaux TikTok, Instagram, X (anciennement Twitter) et Facebook sous le hashtag #RejectFinanceBill2024. À partir du mardi 18 juin, le hashtag #OccupyParliament a été adopté après que le premier appel n’eut pas l’effet escompté. Des affiches appelant à manifester massivement contre le Parlement ont été diffusées.
Le 20 juin, une relecture du projet de loi a eu lieu à l’Assemblée nationale, en réponse à l’insistance des manifestants. Malheureusement, ce qui était initialement pacifique a dégénéré lorsque la police nationale a utilisé des gaz lacrymogènes, justifiant cette action par le fait qu’aucun groupe n’avait été autorisé à manifester, selon le commandant Adamson Bungei. En plus de cela, le 25 juin, une grève nationale a eu lieu pour faire avancer les revendications des manifestants. Ceux-ci ont réussi à pénétrer dans l’enceinte du Parlement et à déclencher un incendie. Le jeudi 27 juin, au moins 283 arrestations ont été recensées, et certaines personnes ont été libérées. Il a également été révélé que la police kényane tirait à balles réelles, causant 23 morts et plus de 300 blessés. Pour dénoncer ces violences policières, plusieurs photos et vidéos montrant des policiers en train de violenter les manifestants ont été publiées sur les réseaux sociaux.
Que dit ce projet de loi pour créer autant de controverse ?
Le projet de loi de finances 2024 du Kenya comporte deux catégories de mesures. La première catégorie concerne les mesures qui ont été abandonnées. Elles incluaient initialement une taxe sur les produits de consommation quotidiens, avec une taxe de vente de 16 % sur le pain et de 25 % sur l’huile de cuisine. Le projet prévoyait également une augmentation de la taxe sur les transactions financières et une taxe annuelle pour les propriétaires de véhicules (voitures et motos) s’élevant à 2,5 % de la valeur du véhicule.
L’écotaxe, définie comme une taxe s’appliquant à certains produits, services ou activités portant atteinte à l’environnement, visait initialement des produits tels que les couches pour bébé, les serviettes hygiéniques, les appareils high-tech (ordinateurs, téléphones portables), les équipements de caméra et de microphone, ainsi que les emballages plastiques et les pneus de véhicules. La population a rejeté catégoriquement ce projet de loi, car elle considère que ces produits sont essentiels pour leur subsistance.
La seconde catégorie comprend les mesures qui n’ont ni été modifiées ni supprimées. Parmi celles-ci figure une taxe sur le logement de 1,5 % prélevée sur les salaires mensuels des employés, destinée à financer la construction de meilleurs logements. Les taxes sur les centres hospitaliers spécialisés, instaurées en même temps que celles sur les produits vitaux mentionnés précédemment, restent en vigueur. Elles s’élèvent à 16 % et sont censées être utilisées exclusivement pour la construction et l’achat d’équipements nécessaires pour les hôpitaux spécialisés. Les Kényans perçoivent cela négativement car cela entraînerait une augmentation des coûts des services de santé.
Quelles sont les perspectives ?
Le mercredi 26 juin, le président Ruto a affirmé devant la presse qu’il ne signerait pas le projet de loi de finances 2024, car le peuple kényan l’a déjà rejeté. Il a également déclaré que ce projet serait retiré, mais cela n’a été fait que partiellement. Il dispose de 14 jours pour le retirer complètement ou proposer des amendements supplémentaires à l’Assemblée nationale. Cependant, la population blâme également le gouvernement pour l’entêtement qui a conduit à la mort d’innocents. Elle exige une suppression totale de la loi et le retrait de William Ruto en tant que président de la République. Son investiture en tant que chef d’État a été très controversée en raison de poursuites pour crimes contre l’humanité et d’accusations de fraude lors de son élection.
Ibrahima Zégbé Lamah
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